Paroles de nuit

Suite à une collision avec un Objet Flottant Non Identifié, la dérive du trimaran Arkema est sérieusement endommagée. Lalou Roucayrol va bien mais part se mettre à l'abri pour constater les dégâts. Cela semble peu réparable en mer. Sans dérive, la navigation au près devient impossible.

11.05.2016

Alors que François Gabart franchissait la ligne d’arrivée à New-York en milieu de nuit, les autres solitaires alternent calmes et brises…

Armel Le Cléac’h (IMOCA - Banque Populaire VIII)

« Tout d’abord je souhaitais féliciter François Gabart pour sa victoire en Ultime : il a fait une très belle course ! Moi, il me reste encore quelques milles avant d’arriver. Le vent a eu du mal à rentrer mardi soir, il y avait pas mal d’instabilité. Il fait très froid en ce moment : je suis dans le courant du Labrador, l’eau est à 5-6°C et comme le carbone est froid, le bateau est froid… J’ai sorti les tenues des mers du Sud du Vendée Globe : trois couches en bas, quatre en haut, bonnet, chaussette polaire et je carbure à la soupe ! Ca réchauffe et c’est rapide à préparer. Je vais avoir des petits virements à faire avant un long bord vers New-York. Le vent devrait se renforcer ce soir avant une grosse accalmie en fin de journée jeudi. Il va falloir bien négocier ce moment délicat qui devrait-être le dernier gros piège avant l’arrivée prévue dans la nuit de vendredi à samedi ».

Erik Nigon (Multi50 – Vers un monde sans Sida)
« Vite oublié (enfin on fait avec) la perte cette nuit de l’aérien. Vous pouvez reprendre les carnets de la Transat Jacques Vabre 2013 on l’a déjà faite celle là ! Donc je ne sais plus la direction du vent, sa force et donc l’angle de mon bateau avec la dite direction du vent. Bon je ne sais plus, en électronique ! Mais comme je ne suis pas de la génération Y ou Z, je vais utiliser la girouette intégrée à savoir mon nez et mon visage. Mettez vous en face du vent et faites varier en tournant à droite et à gauche votre visage et vous sentirez quand vous êtes pile en face. Le souci c’est qu’avec la vitesse de ma pirogue, c’est un peu perturbé... plus je vais vite, plus le vent devient face au bateau, c’est le vent apparent qui donc varie avec ma vitesse. L’avantage de l’électronique, c’est qu’elle calcule en permanence la direction vraie du vent en fonction de la direction et force du vent apparent, de la vitesse du bateau et de l’angle de rotation du mât car le capteur (l’aérien, ne perdez pas le fil, s’il vous plait je ne répèterai pas) est fixé (et là je pleure) en haut du mât. Bon, pas de capteur, pas de chocolat mais je m’en fout, j’ai des pâtes de fruit de folie !
En bref je navigue comme à l’ancienne à la Tabarly… ou presque, car si je dois régler mes voiles sans instruments, j’ai les cartes météo, les polaires, ... et Christian et Aymeric qui font du virtual skipper avec le Voilier au Ruban Rouge. Pour un peu ils pourraient prendre la barre par le satellite… Mais la journée est magnifique on se croirait dans un bel alizé puissant qui permet de descendre sous gennaker et grand voile haute. Le but est de passer sous l’anticyclone avec une belle aile de mouette (il y en a qui vont finir par aller voir sur wikipedia…). Plaisir d’être à la barre dans la glisse, temps pour faire du petit bricolage et du rangement de ma cabane de jardin. Je sais pourquoi la Route du Rhum reste ma préférée alors j’engrange un peu car ça ne va pas être comme ça jusqu’à NYC. Passez une belle journée, nuit, ... On commence à être un peu décalés. Et mille merci toujours de vos messages : c’est trop cool, quand je regarde ça au milieu de ma nuit. Et je ne sais pas d’où vient l’expression temps de demoiselle… En tout cas pas de quelqu’un qui a fait la Transat anglaise.
»

Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac)
« D’abord, bravo ultime à François ! C’est impressionnant cet enchainement de victoires ! Hier mardi, après le choc avec l’OFNI, j’ai inspecté les parties visibles à bord : les safrans, les foils et une partie de la quille. La bonne nouvelle, c’est qu’ils ne sont pas touchés. En revanche, je ne vais pas plonger pour inspecter toute la quille, l’eau est un peu fraiche dans le coin ! J’ai passé une nuit correcte, je me suis reposé. Aujourd’hui, je devrais à nouveau toucher des vents erratiques et multiplier les manœuvres. C’est assez imprévisible, ces conditions : ça s’en va et ça revient. La mer est très désagréable, ça tape à bord de StMichel-Virbac. »

Paul Meilhat (IMOCA – SMA)
« Finalement, le passage de cette petite bulle de haute pression s’est bien passé. J’ai dû faire beaucoup de manœuvres car le vent était instable mais je n’ai pas perdu trop de temps. J’en ai profité pour faire un check général du bateau. J’ai également pu prendre une douche car avec le soleil et le manque de vent, la température grimpe vite. Depuis ce mardi midi, je suis reparti au près, mais bâbord amure avec un vent qui monte progressivement. Je vais d’ailleurs bientôt prendre un ris. La suite consiste à jouer avec les dépressions qui se créent sur les Etats-Unis et les hautes pressions intercalées entre elles. Pour complexifier la chose, il y a beaucoup de courant car nous sommes à la rencontre du Gulf Stream et du Labrador. Il y a encore quelques coups à jouer ! »

Pierre Antoine (Multi50 - Olmix)
« Après une descente rapide dans le flux de Nord-Nord Ouest derrière la dépression, la route nord est bien délicate car il faut négocier de nombreuses bascules et des zones sans vent… En approche de l’extrémité Sud Est de la zone des glaces, nous sommes à nouveau dans du petit temps au près cette nuit à l’approche d’une dépression que l’on devrait traverser demain mercredi avant de retrouver du Nord-Ouest pour faire ensuite route directe. Tout est OK à bord : le bateau est nickel et j’ai rencontré des dauphins la nuit dernière et quelques cargos. Par rapport aux jours précédents, il fait beaucoup moins froid : en fait c’est la température de l’eau qui maintenant est passée à 20 °C sous l’influence du Gulf Stream. On commence à penser à l’arrivée mais la route est encore longue ! »

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