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Top départ : Le retour gagnant de la doyenne de la course au large

Après huit années d’absence, le coup d’envoi de la mère des transatlantiques a été donné ce dimanche à 13h30 pour les 48 skippers qui se sont élancés depuis Lorient sous un ciel bleu printanier, dans des conditions de vent avoisinant les 15 nœuds. Rentrée des classes pour les IMOCA, la course est l’une des plus attendues de la saison chez les Class40. Après avoir dépassé l’île de Groix, ils mettent désormais le cap vers le nord de l’Irlande où un premier passage de front les attend. 



¢ Vincent Olivaud


À retenir :

  • Parmi les 48 marins à avoir pris le départ, 33 concourent en IMOCA,13 en Class40 et 2 en catégorie vintage

  •   Comme prévu, le départ s’est déroulé relativement en douceur avec 12 à 15 noeuds de vent

  •   Après 24 heures plutôt calmes, les marins devront passer un premier front afin de filer vers le nord et se rapprocher de l’Irlande

 

Les marins de The Transat CIC ont la chance de pouvoir profiter de certains luxes qui n’appartiennent qu’à eux. Ils peuvent en effet ressentir le frisson d’un départ de course sous un ciel bleu et lumineux, n’avoir pour seule obsession que de donner le meilleur d’eux même et ainsi rallier New York par l’océan. ‘Big Apple’, sa skyline, la Statue de la Liberté et la baie de Hudson étaient pourtant loin des préoccupations ce dimanche matin à Lorient La Base. Même au moment de s’élancer vers le large, les marins savent décidément être très terre à terre. S’ils connaissent tous la saveur des départs, ces instants-là ont toujours quelque chose de singulier, un mélange de sensations et de sentiments qui n’appartient qu’à eux.

 

Entre enthousiasme et appréhension

 

Leur journée a commencé bien avant l’aurore, dans l’intimité d’une nuit pas toujours très facile à gérer. Jérémie Beyou (CHARAL) confie s’être réveillé à 2 heures ce matin et ne pas avoir fermé l’œil ensuite, affairé à « jouer un peu la course dans la tête ». De son côté, Arnaud Boissières (La Mie Câline) a regardé un épisode de Colombo pour se relaxer : « tu connais le dénouement dès le début, c’est le contraire de la course au large ». « La nuit qui précède un départ, tu n’es déjà plus vraiment pareil », assure Guirec Soudée (Freelance.com), réveillé à 6 heures. Maxime Sorel (V AND B – MONBANA – MAYENNE) fait presque figure d’exception, lui qui assure avoir « fait une bonne nuit de 9 heures ».

 

L’enthousiasme est néanmoins palpable dans les regards, les mots et les attitudes. Anatole Facon (Good Morning Pouce) le dit à sa manière : « je me sens hyper chaud, il faut mesurer la chance que l’on a d’être ici ». Vincent Riou  (Pierreval – Fondation GoodPlanet) est plus sage mais l’idée est la même : « on a une bonne journée pour débuter cette course ».  « Je suis heureux, ému. Être là, c’est déjà une première victoire », savoure Patrick Isoard (Uship pour Enfants du Mékong), un des deux ‘Vintage’ à s’élancer. Ambrogio Beccaria (Alla Grande - Pirelli) sait aussi qu’il faut profiter du moment : « nous, on part régater, faire une course alors qu’on sait que des générations d’Italiens ont traversé l’Atlantique pour trouver une vie meilleure ».  

 

« Un choix important à faire mardi » (Charlie Dalin, MACIF Santé Prévoyance)

 

Il n’empêche, l’excitation d’en être est accompagnée d’un stress qui n’en finit plus de monter. Ian Lipinski (Crédit Mutuel) évoque « sa petite boule au ventre comme à chaque fois », Amélie Grassi (La Boulangère Bio) son « trac qui va finir par passer ». Nicolas d’Estais (CAFÉ JOYEUX) a les yeux embués quand il assure que « ça fait bizarre de se réveiller dans son lit et de se dire qu’on va à New York en bateau ». 


Boris Hermann (Malizia - Seaexplorer) parle « d’excitation, d’anxiété et même un peu de peur ». « C’est une aventure, nous ne savons pas ce qui va se passer là-bas ». On a vu, aussi, le sérieux et une forme de gravité dans l’attitude d’Éric Bellion (STAND AS ONE), le sourire et « l’envie de jouer » de Benjamin Ferré (MONNOYEUR – DUO FOR A JOB), le flegme de Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement) qui assure « avoir l’impression d’être en vacances ».

 

Sur les pontons, on s’amuse à observer les enfants, celui qui tient la main de son papa (chez Nicolas Lunven, Holcim-PRB), qui rigole dans la poussette (Guirec Soudée, Freelance.com) ou qui dort sagement, si loin de l’agitation du moment (Alan Roura, HUBLOT). Il y a eu une averse aussi, comme le rappel soudain que même si les acteurs de ce feuilleton sont déjà connus, ce sont les caprices du ciel qui décideront du scénario de ce sprint dans l’Atlantique.

 

Observateur avisé, Franck Cammas décrypte le début de course : « ça va être assez calme pendant 24 heures avant une première dépression à passer. Ensuite, comme toutes les transats anglaises, les meilleures routes passent par le nord, vers l’Irlande et le Fastnet ». « Mardi, on aura un choix important à faire pour gérer un petit centre dépressionnaire, ça peut créer pas mal d’écart dans la flotte », confie Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance). « Ça va faire pas mal de boulot avec beaucoup de manœuvres. On va être bien occupé du début à la fin », poursuit Jérémie Beyou (CHARAL). “Ce sera comme si on enchaînait des étapes de La Solitaire du Figaro”, précise Yoann Richomme (IMOCA Paprec Arkea). « C’est chouette de commencer la saison comme ça », savoure Justine Mettraux (Teamwork – Team Snef). « Au final, ça se jouera sur la gestion de la course, l’état du bateau et la prise de risque de chacun », résume Alberto Bona (IBSA).

 

Après les mots, place aux actes. Tous ont largué les amarres au fil de la matinée, rendant les pontons de Lorient La Base curieusement vides. La suite, ça a été l’attente au plan d’eau, la concentration, un dernier ‘check’ avec les membres de l’équipe technique et cette tension qui monte jusqu’à son paroxysme avec le ‘top départ’. Déjà, il faut bien se placer, dépasser l’île de Groix, veiller aux petites variations de vent. Et l’aventure ne fait que commencer.

 

L’INFO EN PLUS. Le transport maritime vélique à la fête 


En parallèle du grand départ, trois démonstrateurs de solutions de transport maritime vélique – WISAMO Michelin, le SeaKite de Beyond the Sea et ACCWing - se sont élancés. Ils ont passé symboliquement la ligne de départ de The Transat CIC, 25 minutes avant les concurrents.



 

 ILS ONT DIT

 

Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, IMOCA) « Je suis ravi de prendre le départ de cette course, après l'absence de l'année dernière. On a des conditions légères à médium au départ. Après, il y a un gros choix à faire pour la flotte, savoir comment gérer un

un petit centre dépressionnaire qui se situe dans le sud-ouest de l’Irlande mardi. On va devoir choisir un peu nos lignes pour, soit rester au sud, soit faire le tour de la bulle, ce qui peut créer pas mal d’écart dans la flotte. Nous avons donc un beau programme en perspective ! Aujourd’hui, ce sera sûrement la journée la plus chaude de toute The Transat CIC. Ça ne va faire que se refroidir après donc j’en profite ! »

 

Jérémie Beyou (CHARAL, IMOCA) : « Le départ va être un peu cool et peut-être même un peu tordu. On pensait qu’il allait faire beau mais ça peine un peu à se dégager. Il y a une zone de basse pression qui va peut-être nous concerner une fois qu’on aura passé l’île de Groix. C’est un début plutôt assez mou avant un premier choix après Penmarc’h pour savoir s’il faut passer au sud ou au nord de la première dépression. Ça fait pas mal de boulot avec beaucoup de manœuvres. On va être bien occupé du début jusqu’à la fin ! »


Justine Mettraux (Teamwork – Team Snef, IMOCA) : « C’est chouette d’attaquer le début de saison comme ça. Ça vient très tôt : je pense qu’on est tous pas complètement certains de la validation de nos bateaux. On sait que cette transatlantique va être un bon test. Je pense qu’on a un vrai gain de performance au près et au reaching grâce à mes nouveaux foils. Nous sommes encore en apprentissage et il faut que je continue à retrouver mes marques par rapport à ça, d’autant qu’on ne les a pas encore testés dans toutes les conditions. »


Boris Herrmann (Malizia - Seaexplorer, IMOCA) : « Je suis excité mais j’ai un respect énorme pour l’Atlantique Nord. Je ressens presque un peu de peur et d’anxiété. C’est une aventure. On ne sait pas ce qui va se passer pendant la course. Le départ va demander beaucoup d’énergie car il va falloir gérer la côte et les cailloux juste après et trouver le vent de nord-ouest rapidement et plus vite que les autres. J’ai hâte de naviguer sur mon bateau. J’ai de très bons souvenirs de l’Atlantique Nord : la dernière fois, je l’ai fait avec Greta Thunberg. »


Alberto Bona (IBSA, Class40)  : « Il y a beaucoup d’émotions en quittant la terre, ce n’est pas rien de traverser l'Atlantique. L’objectif est de bien naviguer, à la hauteur de ce qu’on peut faire, que le bateau soit en bon état et arriver de l’autre côté avec le bateau à 100%. Si ça se passe comme ça, je pense qu’on peut bien figurer. Beaucoup de bateaux peuvent prétendre au podium. Et je pense qu’au final, ça se jouera au niveau de la gestion de la course, de l’état du bateau, de la prise de risques. Ça va être très intéressant à suivre. » 


Ambrogio Beccaria (Alla Grande - Pirelli, Class40) : « Je me sens très bien, la météo est bonne. Il y aura des moments avec du vent fort mais on était préparé à bien pire. On passera le premier front dans les 24 heures mais ce ne sera pas très compliqué. Après deux jours, on devra passer la dépression et ce sera moins facile. Ensuite, on reprendra beaucoup de vent, ce sera du près débridé. C’est un parcours qui est forcément particulier avec cette arrivée à New York. Je me rends compte de la chance que l’on a de faire ce sport incroyable, d’avoir un super bateau et de faire de la régate. »


 

Amélie Grassi (La Boulangère Bio, Class40) : « Comme d’habitude, j’ai un petit peu le trac avant de partir mais ça va. Je suis contente d’y aller. On a des conditions favorables sur la première partie de la transat. Sur la deuxième partie, c’est un peu incertain mais j’essaie de ne pas trop y penser parce que ce n’est pas tout de suite. On a la chance de partir dans de belles conditions, ça va être une belle journée sur l’eau, ce qui nous laisse le temps de nous mettre dans le bain. Tout va s’enchaîner assez vite. »


Patrick Isoard (Uship pour Enfants du Mékong, Vintage) : « Il y a beaucoup d’excitation. La tension monte jusqu’au coup de canon qui libère tout. Je suis heureux, ému. J’ai toute la famille, tous les copains qui sont là. Et être au départ, c’est déjà une victoire en tant qu’amateur, sans partenaire. C’est fabuleux. On aura un premier front à traverser lundi soir. Après, ça ira. Je me fixe entre 15 et 18 jours pour traverser. »

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