Histoire
LA MÈRE DE TOUTES LES TRANSATLANTIQUES
C'est la plus ancienne course au large en solitaire au monde.
De 1960 à 2024, elle est à l'origine de la voile océanique telle qu'on la connaît aujourd'hui.
40 JOURS
12 HEURES
30 MIN
1960
Les tout débuts
PLYMOUTH
NEW YORK
5 CONCURRENTS
VAINQUEUR :
FRANCIS CHICHESTER
BATEAU :
GYPSY MOTH |||
The Transat naît d’un pari entre une poignée de marins britanniques pour savoir s’ils sont capables de traverser l’Atlantique en solitaire et en combien de temps. Parmi eux, Sir Francis Chichester et Blondie Hasler. Le concept imaginé en 1960 est d’abord critiqué, tourné en dérision et considéré comme insensé. L’idée même d’une course à la voile en solitaire est révolutionnaire et quasiment inédite à l’époque, mais ces hommes ont un objectif et ils sont déterminés.
Blondie Hasler cherche des sponsors pour la course, mais en 1959, personne n’est prêt à le soutenir (lui et son idée folle). Finalement, le journal The Observer franchit le pas, et en 1960, sous la direction du Royal Western Yacht Club of England, est organisée la course transatlantique en solitaire “Observer Single-handed Trans-Atlantic Race”, autrement dit l’OSTAR.
Étonnamment 115 personnes manifestent leur intention de participer à la course, 50 déposent une demande d’inscription, mais seuls huit bateaux sont officiellement inscrits et cinq prennent le départ de Plymouth.
A l’époque, il n’y a pas de système de navigation par satellite, mais uniquement des compas et des sextants. Privés des moyens technologiques d’aujourd’hui, les marins n’ont alors que peu d’occasions d’envoyer des nouvelles à la terre et au fil des jours l’inquiétude grandit. Mais après 40 jours, 12 heures et 30 minutes de mer, Francis Chichester arrive le premier à New York. “Chaque fois que j’essayais de faire route direct sur New York, le vent se mettait à souffler pile dans le nez de Gipsy Moth”, explique Chichester à son arrivée. “C’était comme essayer d’atteindre une porte avec un homme dressé sur votre passage, un tuyau d’arrosage pointé sur vous “.
Jean Lacome est le dernier à rejoindre Big Apple en 74 jours.
Cette première édition en 1960 est la seule à se courir sans multicoque et la seule (et unique à ce jour) avec une arrivée à New York.
27 JOURS
03 HEURES
56 MIN
1964
Une légende est née
PLYMOUTH
NEWPORT, RHODE ISLAND
13 CONCURRENTS
VAINQUEUR :
ERIC TABARLY
BATEAU :
PEN DUICK II
La deuxième OSTAR en 1964 est un tremplin pour l’un des plus éminents personnages de la navigation en solitaire : Eric Tabarly. En 1960, Francis Chichester avait bouclé l’épreuve en 40 jours. Quatre ans plus tard, le lieutenant de marine Tabarly, remporte la course en seulement 27 jours, 3 heures et 56 minutes à bord de son ketch de 44 pieds, Pen Duick II.
À son arrivée à Newport, dans le Rhode Island, il n’est pas au courant de sa victoire. Il n’a pas utilisé sa radio pendant la course, et comme si cela n’avait rien d’extraordinaire, il dévoile à son arrivée que son système de pilote automatique n’a fonctionné que pendant les 8 premiers jours de course. La performance d’Eric Tabarly contribue largement à populariser la voile en France, d’où seront issus les années suivantes les plus grands vainqueurs de courses en solitaire et de The Transat.
Parmi les anecdotes marquantes de cette édition, voici celle rapportée dans la presse le 3 juin 1964, par les mots du skipper d’Ilala, Mike Ellison. « J’avais commencé une série de contacts radio avec David Lewis, sur Rehu Moana. Je trouvais cela à la fois intéressant et encourageant de savoir les problèmes qu’il rencontrait, et la météo. Un soir, je lui demandais ce qu’il pensait de mon pain qui commençait à moisir. Il m’a dit qu’il aurait peut-être un effet laxatif. Après cet appel, je me suis demandé s’il essayait de m’aider ou de me ralentir. J’ai continué à manger mon pain jusqu’en Amérique ».
25 JOURS
20 HEURES
33 MIN
1968
L’invention (et l’interdiction) du routage
PLYMOUTH
NEWPORT, RHODE ISLAND
35 CONCURRENTS
VAINQUEUR :
GEOFFREY WILLIAMS
BATEAU :
SIR THOMAS LIPTON
La course prend un tournant international avec un total de 35 compétiteurs venus de Suède, d’Allemagne, des États-Unis et d’Afrique du Sud en plus des habituels skippers anglais et français. Cette année là, le nord de l’Atlantique est balayé par une énorme dépression générant des vents de plus de 60 nœuds.
De nombreux concurrents se mettent en panne, sous tourmentin seul pour affronter de terribles conditions. Un seul participant creuse l’écart, en profitant des règles de course qui n’interdisent alors pas le routage météo. Geoffrey Williams, sur Sir Thomas Lipton, est le premier à utiliser le routage météo en course. Grâce à une grosse radio haute fréquence, il peut communiquer avec des météorologistes basés à Bracknell.
Averti de la tempête, Williams choisit une route au nord. Il évite ainsi le plus gros de la dépression et gagne environ 300 milles sur ses concurrents. Williams remporte finalement la course, mais sur les éditions suivantes le routage météo ne sera plus autorisé. En 1968, pas moins de 13 multicoques figurent sur la ligne de départ. Parmi eux, un “géant” de 20 mètres (Pen Duick IV) skippé par Éric Tabarly. Mais le trimaran souffre d’un manque de préparation suite aux grèves de mai 68 et le Français est contraint à l’abandon.
Avant la tempête, le Britannique Eric Willis, à bord de Coila, contracte une infection bactérienne qui lui fait perdre connaissance. Il réussit pus tard à recoller les morceaux à partir de ce qu’on lui a dit et se souvient qu’il avait appelé radio Halifax avec une estimation de sa position. Halifax lui demande de rester en ligne, mais il retourne s’allonger dans sa banette et coupe la communication. Des recherches sont alors lancées et deux hélicoptères de secours du programme Apollo Space sont envoyées sur zone à travers un épais brouillard. Ils réussissent à apercevoir la peinture orange fluo du pont du 60 pieds Coila. Des hommes plongent pour monter à bord du bateau et administrer au skipper un traitement médical d’urgence. Un navire de secours remorque le trimaran jusque Portland dans le Maine avec un équipier à bord qui, selon Willis “a rangé mon bateau et n’a même pas bu de mon whisky”.
20 JOURS
13 HEURES
15 MIN
1972
L’âge des multicoques
PLYMOUTH
NEWPORT, RHODE ISLAND
55 CONCURRENTS
VAINQUEUR :
ALAIN COLAS
BATEAU :
PEN DUICK IV
Le trimaran d’Éric Tabarly, Pen Duick IV, revient dans la course avec à la barre Alain Colas, autre figure de la voile en solitaire française. Sur les 55 participants, 12 sont français, dont les trois premiers arrivants.
Les marins cherchent à aller de plus en plus vite, et la taille moyenne des bateaux augmente rapidement. Signe d’une nouvelle ère, les règles imposent désormais une taille minimale, pour dissuader les inscriptions peu sûres, mais pas de taille maximale. La star des monocoques est ainsi Vendredi Treize (skippé par Jean-Yves Terlain), un trois mâts goélette de 39 mètres, immense pour un skipper en solitaire.
Marie-Claude Fauroux (Aloa VII) est la première femme à boucler le parcours. Elle termine en 14e position après 33 jours de mer. Sir Francis Chichester, alors âgé de 70 ans, prend le départ à bord de Gipsy Moth V, mais ne parvient pas à boucler le parcours de ce qui sera sa dernière course. Il meurt quelques mois plus tard. Peter Crowther fait quant à lui la traversée la plus longue de l’histoire (88 jours) avec son vieux bateau Golden Vanity, un côtre aurique de 66 ans.
23 JOURS
20 HEURES
12 MIN
1976
Controverses et tragédies
PLYMOUTH
NEWPORT, RHODE ISLAND
125 CONCURRENTS
VAINQUEUR :
ERIC TABARLY
BATEAU :
PEN DUICK VI
Avant même le départ, la tempête fait rage. La controverse explose autour de la participation d’Alain Colas sur le gigantesque monocoque Club Méditerranée, long de 236 pieds (72 mètres). Il est alors difficile d’imaginer qu’un bateau de cette taille puisse être skippé en toute sécurité par un seul homme, sans représenter un danger pour lui-même comme pour les autres navires. Et avec 125 bateaux inscrits, beaucoup considèrent que l’organisation de course perd le contrôle. Le départ est assombri par la mort de la femme de Mike McMullen, électrocutée en aidant Mike à préparer le bateau.
Lors des formalités précédant le départ, on découvre également que l’un des inscrits, David Sandeman, n’a que 17 ans et 176 jours. Ce dernier n’est pas officiellement autorisé à prendre le départ de la course, mais il franchit la ligne après le passage du dernier bateau et s’élance à travers l’Atlantique. A mi-parcours, un chalutier russe le percute la nuit en pleine tempête. Dans la collision, Sanderman démâte, mais les Russes l’aident à réparer pour qu’ils puissent continuer sa route. Sandeman entre ensuite au livre Guinness des Records comme le plus jeune marin à avoir traversé l’Atlantique en solitaire entre Jersey et le Rhode Island.
Plusieurs grosses dépressions se succèdent pendant la course, entraînant le nombre record de 50 abandons. Le Britannique Tony Bullimore est secouru par un proche navire alors que son bateau était en feu, et l’Anglais Mike Flanagan disparaît en mer après être tombé de son bateau Galloping Gael. Sans oublier le triste destin de Mike McMullen à bord de Three Cheers. Pensant que sa femme aurait souhaité le voir traverser l’Atlantique, il prend le départ de la course, mais on ne le reverra jamais.
Eric Tabarly remporte cette édition en 23 jours, 20 heures et 12 minutes. Clare Francis finit 13e et améliore de trois jours le record féminin de la traversée de l’Atlantique en solitaire.
17 JOURS
23 HEURES
12 MIN
1980
Le triomphe des multicoques
PLYMOUTH