“« J’ai traversé une zone sans vent : ça n’était pas prévu sur les fichiers météo, il a fallu s’adapter. J’ai passé des heures pénibles pour avancer tant bien que mal : j’ai eu peur que Vincent (Riou) rattrape son retard, mais finalement tout le monde a été logé à la même enseigne… » Armel Le Cléac'h”
13.05.2016
Armel Le Cléac’h a fait la différence dès son changement de route au large de l’Espagne : le skipper de Banque Populaire a été dominateur…
Alors que Banque Populaire VIII est attendu à New York dès samedi en début d’après-midi (heure française) en vainqueur de la classe IMOCA, une étude des trajectoires du trio de tête et des moments névralgiques de The Transat bakerly permet d’éclairer ce différentiel à l’arrivée : Armel Le Cléac’h ne devrait avoir qu’un quart de journée d’avance sur Vincent Riou (PRB), Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) étant relégué à près d’une journée…
Pas de surprise pour les solitaires après le départ de Plymouth : les monocoques IMOCA font tout de suite route vers le Sud pour passer Ouessant et s’engager dans le golfe de Gascogne, la voie du Nord étant annoncée comme trop dure et trop risquée pour les bateaux. Seul le Britannique Richard Tolkien (44) tente de couper le fromage en passant au-dessus du DST Ouessant (zone interdite). Et douze heures plus tard, alors que les leaders débordent le plateau continental dans le sillage des trimarans Ultime, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) cumule déjà six milles d’avance sur le duo Vincent Riou (PRB) et Sébastien Josse (Edmond de Rothschild). Paul Meilhat (SMA) concède une quinzaine de milles de retard et choisit d’empanner le premier, une décision qui pèsera lourd pour la suite de la course…
Une journée après le départ, les quatre leaders avec Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) à une douzaine de milles déboulent dans le golfe, et Seb Josse avec Armel Le Cléac’h est en pointe, après avoir déclenché l’empannage dans un vent de secteur Nord-Est qui se renforce en approchant des côtes espagnoles. Certes Vincent Riou est pointé en tête au classement, mais dans la réalité c’est parce qu’il est positionné le plus à l’Ouest alors qu’il navigue quelques milles derrière le duo de tête. Paul Meilhat réalise une cuillère qui lui coûte très cher (60 milles de retard) et qui va le positionner dans un autre système météo dès le cap Finisterre !
« J’essaye de passer cette dernière dorsale anticyclonique. C’est laborieux ! Heureusement, je devrais bientôt sortir de cette zone de vent faible pour naviguer au reaching assez vif puis au près pour approcher New-York. Je devrais franchir la ligne d’arrivée dans la nuit de samedi à dimanche… » Jean-Pierre Dick
Et en bordure du DST Finisterre laissé à tribord par toute la flotte des IMOCA, Sébastien Josse part à l’abattée dans des bourrasques à plus de 40 nœuds et suite à cet empannage chinois, doit abandonner, grand-voile en vrac. Après 36 heures de course, Vincent Riou grâce à sa position au vent, prend le commandement avec quinze milles de marge sur Armel Le Cléac’h. Commence alors un grand bord à 120° du vent réel sur une mer qui s’assagit : le foiler allonge la foulée à plus de 18 nœuds de moyenne et se recale au vent du « classique ». L’effet « foil » semble incontestable car Banque populaire VIII peut déborder PRB au vent, puis redescendre sur lui pour le contrôler. En 24 heures, le Léonard a repris plus de quinze milles à son adversaire !
Il faut maintenant aborder la dépression açorienne qui déboule sur la flotte par le Nord-Ouest en glissant vers l’Espagne… La route s’incurve franchement vers le Nord-Ouest pour aller chercher le front et la bascule franche du vent de secteur Sud-Est au secteur Nord-Ouest avec des rafales à plus de 45 nœuds et une mer très forte. Les conditions de navigation sont très dures, violentes même et Jean-Pierre Dick a préféré virer de bord en premier pour s’échapper plus rapidement vers l’Ouest. Après quatre jours de course, Armel Le Cléac’h mène toujours le train avec 25 milles de marge et surtout une position favorable dans ce vent de travers puissant.
Le différentiel vitesse est bien présent à cause des foils, mais l’écart ne change pas sensiblement en raison d’une dorsale à traverser qui ralentit les deux leaders un peu différemment. Désormais à plus de 80 milles dans le Sud-Est, Jean-Pierre Dick ne semble plus pourvoir revenir sur le duo avec des conditions un peu moins favorables. Quant à Paul Meilhat qui a souffert dans la tourmente, il est relégué à près de 500 milles sur une route extrême Sud ! Le changement de vent s’effectuant pratiquement tout le temps par l’Ouest sur une transat anglaise, le leader touche presque toujours en premier les nouveaux vents : Armel Le Cléac’h sort donc encore en tête d’un thalweg et déboule de nouveau au vent de travers mais sous la zone d’exclusion des glaces, l’avantage est par dessous ! Vincent Riou rattrape ses 50 milles d’écart et Jean-Pierre Dick revient dans le sillage des deux leaders, mais avec 100 milles de delta.
« Nous avons traversé une bulle cette nuit. Ça ne s’est pas trop mal passé. J’ai été ralenti fortement mais jamais arrêté. J’avais le courant avec moi une bonne partie du temps. Je n’en avais peut être qu’1/10ème de nœud mais au moins je ne l’avais pas dans le nez !» Vincent Riou
De nouveau, une dorsale compresse le trio qui traverse la molle sous Terre-Neuve : le leader est le premier à changer de cap pour friser la zone interdite des glaces dans un flux de Sud-Ouest soutenu qui ne dure pas. Mais là encore, le foil semble bien faire son office puisque Vincent Riou dans son axe, perd plus de cinquante milles en une demie journée ! Eviter les effets contraires du Gulf Stream impose de se caler encore un peu plus Nord, près du plateau continental : le vent a de nouveau molli et c’est le « dauphin » qui en fait les frais. Après huit jours de mer, Vincent Riou cumule 89 milles de delta, le plus gros écart de toute cette transat anglaise…
Du près et même du louvoyage pour grappiller les milles vers l’Ouest : cela permet de créer de petits décalages tactiques qui ne changent finalement pas grand chose entre les duettistes. Car Jean-Pierre Dick s’est fait blackbouler par une bourrasque, voilier couché sur l’eau brutalement : à plus de 200 milles dans le même axe, il n’a plus aucune chance de revenir au contact alors qu’il ne reste que 600 milles jusqu’à New York après neuf jours et demi de mer ! Il faut franchir une nouvelle dorsale, l’occasion pour Vincent Riou de combler une partie de son retard. Mais pas suffisamment pour inquiéter Armel Le Cléac’h qui va pouvoir en finir dans un vent de secteur Sud quasiment jusqu’à l’arrivée. De quoi conserver son avance d’une bonne cinquantaine de milles, soit entre 4 et 6 heures de marge sur Vincent Riou…
Au final, le vainqueur aura parcouru environ 700 milles de plus que la route directe entre Plymouth et New York. La trajectoire très Sud les trois premiers jours de course avec ce détour par le cap Finisterre, est devenue très proche de l’orthodromie (route directe). En fait, la définition d’une zone d’exclusion des glaces sous Terre-neuve en raison de l’accumulation d’icebergs charriés par la débâcle et le courant du Labrador, a profondément changé le visage de The Transat bakerly. D’autre part, il faut bien constater que l’apport des foils est incontestable car même sur ce parcours réputé pour être contre les vents dominants, le delta n’a pas été significatif par rapport à l’IMOCA à dérives classique (PRB) au près et même au louvoyage, alors qu’il a apporté un plus certain sur les phases débridées et travers au vent : après le cap Finisterre, après la dépression açorienne, en approche de la zone des glaces et lors du sprint final…
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